S. m. (Optique et Astronomie) télescope, ce mot composé des mots grecs , loin, et , regarder, signifiait uniquement dans son origine, un instrument formé de differents verres ou lentilles ajustés dans un tube, au-travers desquels on voyait les objets fort distants. Mais aujourd'hui, il se dit en général de tout instrument d'optique, qui sert à découvrir et voir des objets très-éloignés, soit que ce soit directement à-travers de plusieurs verres, ou par réflexion au moyen de plusieurs miroirs.

L'invention du télescope est une des plus nobles et des plus utiles dont les derniers siècles puissent se vanter ; car c'est par son moyen que les merveilles du ciel nous ont été découvertes, et que l'Astronomie est montée à un degré de perfection dont les siècles passés n'ont pas pu seulement se former une idée. Voyez ASTRONOMIE.

Quelques savants ont avancé que les anciens Egyptiens avaient l'usage des télescopes, et que d'une tour fort élevée de la ville d'Alexandrie, ils découvraient les vaisseaux qui en étaient éloignés de 600 milles ; mais cela est impossible, à-moins que ces milles n'aient été fort courts, puisque la rondeur de la terre empêche de voir de dessus une tour, un objet situé sur l'horizon à une plus grande distance que 12 ou 14 milles d'Hollande, et un vaisseau à la distance de 20 milles. On doit donc regarder comme fabuleux ce qu'on rapporte sur cela des Egyptiens.

Jean-Baptiste Porta, noble napolitain, si l'on en croit Wolfius, est le premier qui ait fait un télescope, comme il parait par ce passage de sa magie naturelle, imprimée en 1549.

" Pourvu que vous sachiez la manière de joindre ou de bien ajuster les deux verres, savoir le concave et le convexe, vous verrez également les objets proches et éloignés, plus grands et même plus distinctement qu'ils ne paraissent au naturel. C'est par ce moyen que nous avons soulagé beaucoup de nos amis, qui ne voyaient les objets éloignés ou proches, que d'une manière confuse, et que nous les avons aidés à voir très-distinctement les uns et les autres ".

Ces paroles de Porta, prises dans un certain sens (que depuis la découverte du télescope on peut leur donner), pourraient bien faire penser qu'il en est l'inventeur, comme le prétend Wolfius. Cependant si l'on remarque qu'il n'entendait pas lui-même les choses dont il parle, et les conséquences résultantes de la construction que ces paroles indiqueraient, si elles avaient été écrites dans le sens qu'on leur donne aujourd'hui ; enfin qu'il traite de ces lentilles convexes et concaves d'une manière si obscure et si confuse, que Kepler chargé de l'examiner par un commandement exprès de l'empereur Rodolphe, déclara que Porta était parfaitement inintelligible. On sera fort tenté de croire qu'il ne découvrit pas le télescope, et que ce qu'il dit là-dessus avait trait à autre chose.

Cependant cinquante ans après on présenta au prince Maurice de Nassau un télescope de douze pouces de long, et fait par un lunetier de Middelbourg ; mais les auteurs ne sont point d'accord sur le nom de cet artiste. Sirturus, dans son traité du télescope, imprimé en 1618, veut que ce soit Jean Lipperson. Borel, dans un volume qu'il a composé exprès sur l'inventeur du télescope, et qu'il a publié en 1655, fait voir que c'est Zacharie Jansen, ou comme l'orthographie Wolfius, Hansen. Voici de quelle manière on raconte cette histoire de la découverte du télescope par Jansen.

Des enfants en se jouant dans la boutique de leur père, lui firent, dit - on, remarquer que quand ils tenaient entre leurs doigts deux verres de lunettes, et qu'ils mettaient les verres l'un devant l'autre à quelque distance, ils voyaient le coq de leur clocher beaucoup plus gros que de coutume, et comme s'il était tout près d'eux, mais dans une situation renversée. Le père frappé de cette singularité, s'avisa d'ajuster deux verres sur une planche, en les y tenant de bout, à l'aide de deux cercles de laiton, qu'on pouvait approcher ou éloigner à volonté. Avec ce secours, on voyait mieux et plus loin. Bien des curieux accoururent chez le lunetier ; mais cette invention demeura quelque-temps informe et sans utilité. D'autres ouvriers de la même ville firent usage à l'envi de cette découverte, et par la nouvelle forme qu'ils lui donnèrent, ils s'en approprièrent tout l'honneur. L'un d'eux, attentif à l'effet de la lumière, plaça les verres dans un tuyau noirci par-dedans. Par-là, il détourna et absorba une infinité de rayons, qui en se réfléchissant de dessus toutes sortes d'objets, ou de dessus les parois du tuyau, et n'arrivant pas au point de réunion, mais à côté, brouillaient ou absorbaient la principale image. L'autre enchérissant encore sur ces précautions, plaça les mêmes verres dans des tuyaux rentrants et emboités l'un dans l'autre, tant pour varier les points de vue, en allongeant l'instrument à volonté, selon les besoins de l'observateur, que pour rendre la machine portative, et commode par la diminution de la longueur quand on la voudrait transporter, ou qu'on n'en ferait pas usage.

Jean Lappuy, autre artiste de la même ville, passe pour le troisième qui ait travaillé au télescope, en ayant fait un en 1610, sur la simple relation de celui de Zacharie.

En 1620, Jacques Métius, frère d'Adrien Métius, professeur de mathématiques à Franecker, se rendit à Middelbourg avec Drebel, et y acheta des télescopes des enfants de Zacharie, qui les rendirent publics. Cependant Adrien Métius attribue à son frère l'honneur de la découverte du télescope, et a fait donner Descartes dans la même erreur.

Mais aucun de ceux qu'on vient de nommer n'ont fait des télescopes de plus d'un pied et demi de long. Simon Marius en Allemagne, et Galilée en Italie, sont les premiers qui aient fait de longs télescopes, propres pour les observations astronomiques.

Le Rossi raconte que Galilée étant à Venise apprit que l'on avait fait en Hollande une espèce de verre optique, propre à rapprocher les objets : sur quoi s'étant mis à réflechir sur la manière dont cela pouvait se faire, il tailla deux morceaux de verre du mieux qu'il lui fut possible, et les ajusta aux deux bouts d'un tuyau d'orgue, ce qui lui réussit au point, qu'immédiatement après, il fit voir à la noblesse vénitienne toutes les merveilles de son invention au sommet de la tour de S. Marc. Le Rossi ajoute que depuis ce temps-là Galilée se donna tout entier à perfectionner le télescope ; et que c'est par-là qu'il se rendit digne de l'honneur qu'on lui fait assez généralement de l'en croire l'inventeur, et d'appeler cet instrument le tube de Galilée. Ce fut par ce moyen que Galilée aperçut des taches sur le soleil. Il vit ensuite cet astre se mouvoir sur son axe, etc.

Le P. Mabillon rapporte dans son voyage d'Allemagne, qu'il avait Ve à l'abbaye de Scheir, dans le diocèse de Freisingue, une histoire scolastique de Petrus Comestor, à la tête de laquelle étaient les figures des arts libéraux, et que pour signifier l'Astronomie, Ptolomée y était représenté, observant les étoiles avec une lunette, comme nos lunettes d'approche. Celui qui a écrit le mémoire se nommait Chonradus, et était mort au commencement du XIIIe siècle, comme D. Mabillon l'a prouvé par la chronique de ce monastère, que Chonrad avait continuée jusqu'à ce temps-là. Cette date est d'autant plus remarquable, que les simples lunettes qui semblent devoir être inventées les premières, ne l'ont été que plus de 100 ans après, comme on le peut voir par une lettre très-curieuse de feu M. Carlo Dati, florentin, que M. Spon a insérée dans ses recherches d'antiquité, p. 213. elle contient un passage remarquable d'une chronique de Barthelemi de S. Concorde de Pise, qui marque qu'en 1312 un religieux, nommé Alessandro Dispina, faisait des lunettes, et en donnait libéralement, tandis que celui qui les avait inventées refusait de les communiquer. Mém. de l'acad. des Inscr. tom. II.

Il y a deux remarques à faire sur ce récit du P. Mabillon ; la première, que ce savant a pu se laisser séduire par les apparences, et prendre pour une lunette, ce qui n'en était pas une ; ce qui ferait désirer qu'il nous en eut transcrit le dessein. 2°. Qu'il se pourrait très-bien faire que les figures des arts libéraux aient été faites longtemps après que le manuscrit avait été écrit. Cela parait d'autant plus vraisemblable, que si on suppose que cette espèce de lunette ne représentât qu'un tuyau, qui servait à regarder les astres, et à défendre l'oeil de la lumière des objets étrangers ; il serait assez singulier que les auteurs d'astronomie n'en eussent point parlé. Enfin il semble que les astronomes ne durent point penser à la précaution de regarder les étoiles avec un tuyau ; cette précaution étant assez inutîle pour observer des astres la nuit.

Au reste, l'usage des verres convexes et concaves étant connu, et les principes d'optique sur lesquels sont fondés les télescopes, se trouvant renfermés dans Euclides, il semblerait que c'est faute d'y avoir réfléchi, que le monde a été privé si longtemps de cette admirable invention. Mais il fallait connaître la loi de la réfraction, pour y être mené par la théorie, et on ne la connaissait pas encore. On ne doit donc pas s'étonner, si nous devons cette découverte uniquement au hazard, et ainsi être moins fâchés de l'incertitude où nous sommes sur son auteur ; puisqu'il n'a dans cette découverte que le mérite du bonheur, et non celui de la sagacité. Telle est la marche lente et pénible de l'esprit humain. Il faut qu'il fasse des efforts incroyables pour sortir des routes ordinaires, et s'élancer dans des routes inconnues ; encore n'est-ce presque jamais que le hazard qui le tire des premières pour le conduire dans les secondes. Et l'on ne peut douter que nos connaissances actuelles, soit en physique, soit en mathématique, ne renferment un nombre infini de découvertes, qui tiennent à une réflexion si naturelle, ou à un hazard si simple, que nos neveux ne pourront comprendre comment elles nous sont échappées.

Divers savants tels que Galilée, Kepler, Descartes, Grégori, Huygens, Newton, etc. ont contribué successivement à porter le télescope au point de perfection où il est aujourd'hui. Kepler commença à perfectionner la construction originaire du télescope, en proposant de substituer un oculaire convexe à un oculaire concave. C'est ce qui parait par sa dioptrique imprimée en 1611 ; car dans cette dioptrique il décrit un télescope composé de deux verres convexes, auquel on a donné depuis le nom de télescope astronomique.

Il y a différentes sortes de télescopes qui se distinguent par le nombre et par la forme de leurs verres, et qui reçoivent leurs noms de leurs différents usages.

Tel est le premier télescope ou le télescope hollandais ; celui de Galilée, qui n'en diffère que par sa longueur : le télescope céleste ou astronomique, le télescope terrestre, et le télescope aèrien. Il y a encore, comme nous l'avons dit, le télescope composé de miroirs ou de réflexion. Nous allons donner successivement la description de ces différents télescopes, et expliquer les principes sur lesquels sont fondés leurs effets, leurs avantages et les causes d'où naissent leurs différentes imperfections.

Le télescope de Galilée ou allemand, est composé d'un tuyau dont on peut voir la structure à l'article TUBE, dans lequel est à l'un de ses bouts un verre objectif concave, et à l'autre un verre oculaire concave.

C'est la plus ancienne de toutes les formes des télescopes, et la seule qui leur ait été donnée par les inventeurs, ou qui ait été pratiquée avant Huygens.

Construction du télescope de Galilée ou allemand. Au-bout d'un tube est ajusté un verre objectif convexe d'un seul ou deux côtés, et qui est un segment d'une sphère fort grande : à l'autre bout est ajusté de même un verre oculaire concave des deux côtés, mais formé d'un segment d'une moindre sphère, et placé à une telle distance du verre objectif, que le foyer vertical de ce verre oculaire réponde au même point que le foyer réel du verre convexe. Voyez FOYER.

Théorie du télescope de Galilée. Par le moyen de ce télescope tout le monde, excepté les myopes, ou ceux qui ont la vue courte, doivent voir distinctement les objets dans leur situation droite, naturelle, et grossis à-proportion de la distance du foyer virtuel du verre oculaire, à celle du foyer du verre objectif.

Mais pour que les myopes puissent voir distinctement les objets au-travers d'un tel instrument, il faut rapprocher le verre oculaire du verre objectif.

Voici les causes de ces différents effets.

1°. Comme on ne regarde avec le télescope que des objets éloignés, les rayons qui partent du même point d'un objet tombent sur le verre objectif sous des lignes si peu divergentes entr'elles, qu'on peut regarder ces rayons comme parallèles, et conséquemment par la réfraction qu'ils subissent dans ce verre convexe, il faut qu'ils deviennent convergens, comme on l'a Ve à l'article FOYER ; c'est-à-dire, qu'ils se rapprochent, en tendant vers un certain point qui se trouve par la construction, ainsi qu'on l'a dit, au-delà du verre oculaire. Or, par la seconde réfraction qu'ils subissent dans ce verre concave, il faut qu'ils deviennent de nouveau parallèles, et que dans cette disposition ils entrent dans l'oeil. Voyez RAYON, CONCAVITE, CONVEXITE et CONVERGENT. Et tout le monde, à l'exception des myopes, voient distinctement les objets dont les rayons entrent parallèlement dans l'oeil. Voyez VISION et PARALLELE ; ce premier point ne souffre point de difficulté.

2°. On suppose qu'A (Pl. d'Optique, fig. 41.) est le foyer du verre objectif, et qu'à la droite de l'objet A C, est le rayon le plus éloigné qui passe par le tube : après la réfraction, ce rayon devient parallèle à l'axe B I, et conséquemment après une seconde réfraction qu'il subit en passant par le verre concave, il devient divergent, c'est-à-dire, qu'il s'éloigne du foyer virtuel : c'est pourquoi, comme tous les rayons qui viennent de la même extrémité vers l'oeil, placé derrière le verre concave, sont parallèles à L E et que ceux qui partent du milieu de l'objet sont parallèles à FG, comme on l'a observé ci-dessus, le centre de l'objet doit être Ve dans l'axe G A, et l'extrémité droite doit être vue du côté droit ; savoir dans la ligne LN, ou parallèle à ce côté ; c'est-à-dire, que l'on doit voir l'objet droit ou de bout ; ce qui est le second point que nous avions à prouver.

3°. Comme toutes les lignes parallèles à LN coupent l'axe sous le même angle, le demi-diamètre de l'objet doit être Ve à-travers le télescope sous l'angle AFN, ou EFI : les rayons LE et GI entrant dans l'oeil de la même manière que si la prunelle se trouvait placée dans le point F. Or si l'oeil nud était placé dans le point A, il verrait le demi-diamètre de l'objet sous l'angle c A b ou C A B ; mais comme on suppose l'objet fort éloigné, sa distance A F ne fait rien à cet égard, et par conséquent l'oeil nud, fût-il même dans le point F, verrait le demi-diamètre de l'objet sous un angle égal à l'angle A. Ainsi menant FM parallèle à Ac, le demi-diamètre de l'objet Ve de l'oeil nud est à celui qui est Ve par le télescope, comme I M à I E. Or il est démontré qu'I M est à I E, comme I F est à A B ; c'est-à-dire, que le demi-diamètre Ve de l'oeil nu, est au-demi-diamètre Ve à-travers le télescope, comme la distance du foyer virtuel du verre oculaire F I est à la distance du foyer du verre objectif A B, ce qui prouve le troisième point.

Enfin comme les myopes ont la rétine trop éloignée du crystallin, et que les rayons divergens se rassemblent dans l'oeil à une plus grande distance que ne font les parallèles, et que ceux-ci deviennent divergens, en rapprochant le verre oculaire du verre objectif, il faut que par le moyen de ce rapprochement les myopes voient distinctement les objets à-travers le télescope ; ce qui fait la preuve du quatrième point.

D'où il suit 1°. que pour voir l'objet tout entier, le demi-diamètre de la prunelle ne doit pas être plus petit que n'est la distance des rayons L E et G I, par conséquent plus la prunelle est dilatée, plus grand doit être le champ, ou l'étendue que l'on voit par le télescope, et au-contraire plus la prunelle est contractée, plus cette étendue doit être petite. Desorte que si l'on sort d'un lieu obscur, ou que l'on ferme l'oeil quelque temps avant de l'appliquer au verre, la vue embrassera une plus grande étendue du premier coup d'oeil, qu'elle ne fera dans la suite, et après que la prunelle aura été contractée de nouveau par l'augmentation de lumière. Voyez PRUNELLE.

2°. Puisque la distance des rayons EL et IG est plus grande quand l'oeil est à une plus grande distance du verre, il s'ensuit que plus on s'éloignera du verre, moins il entrera de rayons dans l'oeil ; par conséquent l'étendue que la vue embrasse d'un coup d'oeil, augmentera à-mesure que l'oeil sera plus près du verre concave.

3°. Puisque le foyer d'un verre objectif plan-convexe, et le foyer virtuel d'un verre oculaire plan-concave, sont à la distance du diamètre ; et que le foyer d'un verre objectif convexe des deux côtés, et le foyer virtuel d'un verre oculaire concave des deux côtés sont à la distance d'un demi-diamètre ; si le verre objectif est plan-convexe, et le verre oculaire plan-concave, le télescope augmentera le diamètre de l'objet à-proportion du diamètre de la concavité au diamètre de la convexité.

Si le verre objectif est convexe des deux côtés, et le verre oculaire concave des deux côtés, le télescope augmentera le diamètre de l'objet à-proportion du demi-diamètre de la concavité, au demi-diamètre de la convexité. Si le verre objectif est plan-convexe, et le verre oculaire concave des deux côtés, le demi-diamètre de l'objet augmentera à proportion du demi-diamètre de la concavité, au demi-diamètre de la convexité ; et enfin si le verre objectif est convexe des deux côtés, et le verre oculaire plan-concave, l'augmentation se fera suivant la proportion du diamètre de la concavité au demi-diamètre de la convexité.

4°. Puisque la proportion des demi-diamètres est la même que celle des diamètres entiers, les télescopes grossissent les objets de la même manière, soit que le verre objectif soit plan-convexe, et le verre oculaire plan-concave, ou que l'un soit convexe des deux côtés, et l'autre concave des deux côtés.

5°. Puisque le demi-diamètre de la concavité a une moindre proportion au diamètre de la convexité, que n'a le diamètre entier, un télescope grossit davantage les objets quand le verre objectif est plan-convexe, que lorsqu'il est convexe des deux côtés. On prouvera à-peu-près de la même manière qu'un oculaire concave des deux côtés vaut mieux qu'un oculaire plan-concave.

6°. Plus le diamètre du verre objectif est grand, et plus le diamètre du verre oculaire est petit, plus la proportion du diamètre de l'objet Ve à l'oeil nud, à son diamètre Ve à-travers un télescope est petite, et par conséquent plus le télescope doit grossir l'objet.

7°. Puisque le demi-diamètre de l'objet s'augmente, suivant la proportion de l'angle E F I, et que plus cet angle est grand, plus la partie de l'objet qu'on embrasse d'un coup d'oeil est petite ; à mesure donc que ce demi - diamètre sera grossi ou augmenté, le télescope représentera une moindre partie de l'objet.

C'est cette raison qui a déterminé les Mathématiciens à chercher une autre espèce de télescope, après avoir reconnu l'imperfection du premier qui avait été découvert par hasard ; leurs efforts n'ont point été infructueux, comme il parait par les effets du télescope astronomique, dont la description est ci-dessous.

Si le demi-diamètre d'un verre oculaire a une trop petite proportion au demi-diamètre du verre objectif ; l'objet ne sera point Ve assez clairement à-travers le télescope ; parce que le grand écart des rayons fait que les différents pinceaux qui représentent sur la rétine les différents points de l'objet, sont en trop petit nombre.

On a trouvé aussi que des verres objectifs égaux, ne font point le même effet avec des verres oculaires de même diamètre, quand ils sont d'une transparence, ou d'un poli différent. Un verre objectif moins transparent, ou moins parfaitement taillé ou formé, demande un verre oculaire plus sphérique, que ne demande un autre verre objectif plus transparent et mieux poli.

Ainsi, quoiqu'on ait l'expérience qu'une lunette est bonne, lorsque la distance du foyer d'un verre objectif est de six pouces, et que le diamètre du verre oculaire plan-concave, est d'un pouce et une ligne, ou que le diamètre d'un verre oculaire également concave des deux côtés est d'un pouce et demi : cependant l'artiste ne doit jamais s'attacher à ces sortes de combinaisons, comme si elles étaient fixes et invariables ; il doit au contraire essayer des verres oculaires de différents diamètres sur les mêmes verres objectifs, et choisir celui avec lequel on voit le plus clairement et le plus distinctement les objets.

Hévélius recommande un verre objectif convexe des deux côtés, et dont le diamètre soit de quatre pieds, mesure de Dantzick, et un verre oculaire concave des deux côtés, et dont le diamètre soit de quatre pouces et demi, ou dixiemes d'un pied. Il observe qu'un verre objectif également convexe des deux côtés, et dont le diamètre est de cinq pieds, demande un verre oculaire de cinq pouces et demi ; et il ajoute que le même verre oculaire peut servir aussi à un verre objectif de huit ou de dix pieds.

Ainsi comme la distance du verre objectif et du verre oculaire, est la différence entre la distance du foyer du verre objectif, et celle du foyer virtuel du verre oculaire ; la longueur du télescope se règle par la soustraction que l'on fait de l'une à l'autre, c'est-à-dire, que la longueur du télescope est la différence qu'il y a entre les diamètres du verre objectif, et du verre oculaire, supposé que le premier soit plan-convexe, et le second plan-concave ; ou c'est la différence qu'il y a entre les demi-diamètres du verre objectif et du verre oculaire ; supposé que le premier soit convexe des deux côtés, et que le second soit concave des deux côtés : ou c'est la différence qu'il y a entre le demi-diamètre du verre objectif, et le diamètre du verre oculaire, supposé que le premier soit convexe des deux côtés, et que le second soit plan-concave ; ou enfin, c'est la différence qu'il y a entre le diamètre du verre objectif, et le demi-diamètre du verre oculaire, supposé que le premier soit plan-convexe, et que le second soit concave des deux côtés. Par exemple, si le diamètre d'un verre objectif convexe des deux côtés est de quatre pieds, et que le diamètre d'un verre oculaire concave des deux côtés, soit de quatre pouces, la longueur du télescope sera d'un pied 10 pouces.

Le télescope astronomique diffère du précédent, en ce que l'oculaire y est convexe comme l'objectif. Voyez CONVEXITE.

On lui a donné ce nom, parce qu'on ne s'en sert que pour les observations astronomiques, à cause qu'il renverse les objets. On a Ve plus haut que Kepler fut le premier qui en donna l'idée ; et il parait certain que le père Scheiner fut le premier qui dans la suite exécuta réellement ce télescope.

Construction du télescope astronomique. Le tube étant fait de la longueur nécessaire, on ajuste dans un de ses bouts un verre objectif, soit plan-convexe, soit convexe des deux côtés ; mais qui doit être un segment d'une grande sphère : dans l'autre bout on ajuste de même un verre oculaire convexe des deux côtés, mais qui doit être le segment d'une petite sphère, et on le place dans le tube de façon qu'il soit au-delà du foyer du verre objectif, précisément d'un espace égal à la distance de son propre foyer.

Théorie du télescope astronomique. Le télescope étant ainsi construit, l'oeil placé près du foyer du verre oculaire verra distinctement les objets, mais renversés et grossis dans le rapport de la distance du foyer du verre oculaire, à la distance du foyer du verre objectif.

Car 1°. comme les objets qu'on voit par le télescope sont extrêmement éloignés, les rayons qui partent d'un point quelconque de l'objet, viennent frapper parallèlement le verre objectif, et par conséquent après la réfraction ils se réunissent derrière ce verre dans un point qui est le foyer du verre oculaire. Depuis ce point, ils commencent à devenir divergens, et en s'écartant ainsi, ils viennent frapper le verre oculaire, où ayant subi une autre réfraction, ils entrent parallèlement dans l'oeil.

Ainsi comme tout le monde, excepté les myopes, voit distinctement par rayons parallèles, un télescope disposé de la manière ci-dessus, doit représenter distinctement les objets éloignés.

Supposé le foyer commun des verres en F, (fig. 42.) et faites A B égal à B F, puisqu'un des rayons A C partant du côté droit de l'objet, passe par A, le rayon C E sera parallèle à l'axe A I, et conséquemment, après la réfraction qu'il aura subi dans le verre oculaire, il tombera avec lui dans le foyer G. Comme l'oeil est placé contre ce foyer, et que tous les autres rayons, qui, avec E G, partent du même point de l'objet, subissent une réfraction, qui les envoie parallèlement de ce côté-là, le point qui se trouve dans le côté droit de l'objet doit être Ve dans la ligne droite EG.

De même, il faut que le point du milieu de l'objet se voie dans l'axe G B, de sorte que l'objet paraisse renversé.

2°. Il parait par ce qu'on a déjà prouvé ci-dessus, que le demi-diamètre de l'objet sera Ve à-travers le télescope sous l'angle E G I, et que l'oeil nud, placé dans A, le voit sous l'angle b A c. Supposez maintenant I F, égal à la distance du foyer I G. Comme les angles droits en I sont égaux, il s'ensuit que l'angle E G F est égal à E F I ; or, en tirant la ligne F M, parallèle à A C, vous aurez l'angle I F M, égal à B A C ; par conséquent le demi-diamètre de l'objet Ve de l'oeil nud, est à ce même demi-diamètre Ve par le télescope, comme I M est à I E. Tirez la ligne K E, parallèle à FM ; vous trouverez qu'I M est à I E, comme I F est à I K. Or, en vertu du parallélisme des deux verres C E = B I, = B F, + F I, = A B + FI ; et en vertu du parallélisme des lignes droites C A, et E K, C E = A K ; par consequent, B I = A K, et A B = I K ; de sorte que I M est à I E, comme I F est à A B, c'est-à-dire, que le demi-diamètre de l'objet Ve à la vue simple, est au demi-diamètre Ve à-travers le télescope, comme la distance du foyer du verre oculaire I F, est à la distance du foyer du verre objectif ; ce qu'il fallait prouver.

Il suit de tout ce qui vient d'être exposé, 1°. que si ce télescope est moins propre pour représenter les corps terrestres, puisque leur renversement empêche souvent de les reconnaître ; il n'en est pas moins commode pour observer les astres, qu'il est assez indifférent de voir droits ou renversés.

2°. Que si entre le verre oculaire et son foyer G, il se trouve un miroir plan de métal parfaitement bien poli L N, de la longueur d'un pouce, et d'une figure ovale, incliné sur l'axe sous un angle de 45 d. les rayons E P et M Q seront réfléchis de manière que venant à se joindre en g, ils formeront un angle P g Q, égal à P G Q ; et par conséquent l'oeil étant placé en g, il verra l'objet de la même grandeur qu'auparavant, mais dans une situation droite ou redressée. Ainsi en ajoutant un pareil miroir au télescope astronomique, on le rend commode pour observer les corps terrestres. Voyez MIROIR.

3°. Comme le foyer d'un verre convexe des deux côtés est éloigné d'un demi diamètre de ce même verre, et que le foyer d'un verre plan-convexe en est éloigné d'un diamètre, si ce verre objectif est convexe des deux côtés ainsi que le verre oculaire, le télescope grossira le diamètre de l'objet suivant la proportion qu'il y a du demi diamètre du verre oculaire, au demi diamètre du verre objectif : mais si le verre objectif est plan-convexe, il le grossira suivant la proportion qu'il y a du demi diamètre du verre oculaire au diamètre du verre objectif.

4°. Ainsi comme le demi diamètre du verre oculaire a une plus grande proportion au demi diamètre du verre objectif, qu'à son diamètre, un télescope grossit davantage quand le verre objectif est plan-convexe, que lorsqu'il est convexe des deux côtés. Par la même raison un télescope grossit davantage lorsque l'oculaire est convexe des deux côtés, que lorsqu'il est plan - convexe.

5°. La proportion du demi diamètre du verre oculaire au diamètre, ou demi diamètre du verre objectif, diminue à mesure que le verre oculaire est un segment d'une moindre sphère, et que le verre objectif est le segment d'une plus grande sphère. C'est pourquoi un télescope grossit d'autant plus que le verre objectif est un segment d'une plus grande sphère, et le verre oculaire le segment d'une moindre sphère. Cependant la proportion du demi diamètre du verre oculaire au verre objectif ne doit pas être trop petite, car si elle l'était, la refraction ne pourrait pas se faire de manière que les rayons, partant de chaque point de l'objet, entrassent dans l'oeil séparément et en quantité suffisante, ce qui par conséquent rendrait la vision obscure et confuse.

A quoi l'on peut ajouter ce que nous avons dit de la proportion du verre objectif au verre oculaire, en parlant du télescope de Galilée.

De Chales observe qu'un verre objectif de 2 1/2 pieds, demande un verre oculaire de 1 1/2 pouce, et que pour un verre objectif de 8 ou 10 pieds, il faut un verre oculaire de 4 pouces ; en quoi il est appuyé par Eustache de Divinis.

Le télescope aérien est une espèce de télescope astronomique, dont les verres ne sont point renfermés dans un long tuyau.

Cependant à la rigueur, le télescope aérien n'est à proprement parler qu'une façon particulière de monter des verres objectifs (dont le foyer est très distant) et leurs oculaires, de façon qu'on puisse les diriger avec facilité pour observer les corps célestes pendant la nuit, et éviter les embarras des télescopes astronomiques, qui deviennent fort incommodes et fort gênans, lorsqu'ils sont très-longs.

C'est au célèbre Huygens que nous sommes redevables de cette invention.

Construction du télescope aérien. 1°. On plante perpendiculairement un mât A B (fig. 46. n °. 2.), de la longueur dont devrait être le tuyau du télescope. Avant de l'élever on l'applanit d'un côté, l'on y attache deux règles parallèles entr'elles, et éloignées l'une de l'autre d'un pouce et demi, de sorte que l'espace qu'elles laissent entr'elles, forme une espèce de rainure ou canal (un peu plus large en dedans qu'en dehors), qui règne presque du haut de ce mât jusqu'en bas. Au haut de ce mât est une roulette A, qui tourne sur son axe, et sur laquelle passe une corde G g, deux fois plus longue que le mât. Cette corde de la grosseur du petit doigt, ou à-peu-près, est ce que l'on appelle une corde sans fin ; elle est garnie d'un morceau de plomb H, dont le poids est égal au verre objectif, et à tout l'équipage qui doit le soutenir.

Une latte CD, longue de deux pieds, et formée de manière qu'elle puisse glisser librement, mais sans jeu, le long du canal, porte à son milieu un bras de bois E, qui s'éloigne d'un pied, du mât, et qui soutient à angles droits, un autre bras F f d'un pied et demi de long, l'un et l'autre étant situés parallélement à l'horizon.

2°. On ajuste un verre objectif dans un cylindre I K, de trois pouces de long ; on fait tenir ce cylindre sur un bâton fort droit d'un pouce d'épais, et qui le déborde de 8 ou 10 pouces. A ce bâton est attaché une boule de cuivre M ; cette boule est portée et se meut librement dans une portion de sphère creuse, où elle est emboitée. Cette portion de sphère est ordinairement faite de deux pièces, que l'on serre ensemble par le moyen d'une vis, ce qui forme une espèce de genou ; et afin que le verre objectif puisse être mis en mouvement avec plus de facilité, on suspend un poids N I, d'environ une livre, à un gros fil de laiton, de sorte qu'en pliant ce fil d'un côté ou de l'autre, on parvienne facilement à faire rencontrer ensemble le centre de gravité commun de poids, et de verre objectif, et celui de la boule de cuivre. On attache au-dessous du bâton K L, un fil de cuivre élastique L, que l'on plie en-bas, jusqu'à ce que sa pointe soit autant au-dessous du bâton, que le centre de la boule M, et on lie à cette pointe un fil mince de soie L V.

3°. On ajuste un verre oculaire O, dans un cylindre fort court, auquel on attache le bâton P V. A celui-ci pend un petit poids S, suffisant pour le contrebalancer ; en Q on attache une poignée R, traversée par un axe que l'astronome tient à la main ; et le bâton P V, tourné du côté du verre objectif, est attaché au fil de soie L V. Ce fil qui passe par le trou V, est roulé sur une petite cheville T, attachée au milieu du bâton, de sorte qu'en la tournant, on augmente et on diminue, comme on veut, la longueur du fil.

4°. Afin que l'astronome puisse tenir ferme le verre oculaire, il appuie son bras sur une machine X, dont on peut voir la construction dans la figure dont nous parlons.

Enfin pour écarter la faible lumière dont l'air pourrait frapper l'oeil, on couvre le verre oculaire d'un cercle Y, troué au milieu, et ajusté à un bras mobîle et flexible.

Le grand télescope de Huygens, qui a fait connaître d'abord l'anneau de Saturne, et un de ses satellites, consistait en un verre objectif de 12 pieds, et un verre oculaire de 3 pouces et quelque chose de plus. Cependant il se servait souvent d'un télescope de 20 pieds de long, avec deux verres oculaires joints ensemble, et ayant chacun un pouce et demi de diamètre.

Le même auteur observe qu'un verre objectif de 30 pieds, demande un verre oculaire de trois pouces et trois seiziemes de pouce ; et il nous donne une table de proportion pour la construction des télescopes astronomiques, dont voici un abrégé.

Si dans deux ou plusieurs télescopes, la proportion entre le verre objectif et le verre oculaire est la même, ils grossiront également les objets.

On pourrait en conclure qu'il est inutîle de faire de grands télescopes ; mais il faut se souvenir de ce qui a été dit ci-dessus, savoir qu'un verre oculaire peut avoir une moindre proportion, à un plus grand verre objectif, qu'à un plus petit. Par exemple, dans le télescope de Huygens, qui est de 25 pieds, le verre oculaire est de 3 pouces ; et suivant cette proportion, un télescope de 50 pieds devrait avoir un verre oculaire de 6 pouces : cependant la table fait voir qu'il suffit d'en prendre un de quatre pouces et demi. Il parait par la même table, qu'un télescope de 50 pieds grossit dans la proportion d'un à 141, au lieu qu'un télescope de 25 pieds ne grossit que dans la proportion d'un à 100. D'ailleurs plus les lentilles ou verres sont segments d'une grande sphère, plus ils réunissent exactement les rayons, et plus par conséquent l'image est distincte. Il faut ajouter encore, et c'est ce qu'il y a de plus important, que plus les lentilles font partie d'une grande sphère, plus elles reçoivent de rayons ; de façon qu'une lentille dont le foyer est deux fois plus distant que celui d'une autre, reçoit (en supposant que les épaisseurs soient proportionnelles à la distance des foyers), quatre fois plus de rayons. Ceci donne la raison pour laquelle les objectifs d'un plus grand foyer, peuvent avoir des oculaires d'un foyer plus court que ne le comporteraient les proportions qui se trouvent entre les objectifs d'un plus court foyer et leurs oculaires.

Comme la distance des verres est égale à la somme des distances des foyers des verres objectifs et oculaires ; que le foyer d'un verre convexe des deux côtés en est éloigné d'un demi diamètre, et que le foyer d'un verre plan - convexe en est éloigné d'un diamètre, la longueur d'un télescope est égale aux sommes des demi diamètres des verres, quand ils sont tous les deux convexes des deux côtés ; et lorsque l'un ou l'autre est plan-convexe, cette longueur est égale à la somme du demi diamètre du verre convexe des deux côtés, et du diamètre de celui qui est plan - convexe.

Mais comme le demi diamètre du verre oculaire est fort petit, en comparaison de celui du verre objectif, on règle ordinairement la longueur d'un télescope astronomique sur la distance du foyer de son verre objectif, c'est-à-dire sur son demi diamètre, si cet objectif est convexe des deux côtés, ou sur son diamètre, s'il est plan-convexe. Ainsi l'on dit qu'un télescope est de 12 pieds, quand le demi diamètre du verre objectif, convexe des deux côtés, est de 12 pieds, etc.

Comme les myopes voient mieux les objets de près, il faut rapprocher pour eux le verre oculaire du verre objectif, afin qu'en sortant de cet oculaire, les rayons soient encore divergens.

Manière de raccourcir le télescope astronomique ; c'est-à-dire de faire un télescope qui étant plus court que les télescopes, grossira cependant autant les objets.

1°. Il faut ajouter dans un tuyau de lunette le verre objectif E D, fig. 43. qui soit un segment d'une sphère médiocre ; que le premier verre oculaire B D soit concave de deux côtés, et placé dans le tube de manière que le foyer du verre objectif A se trouve derrière lui, mais plus près du centre de la concavité G ; alors l'image viendra se peindre au point Q, tel que G A sera à G I, comme A B est à Q I ; enfin ajustez dans le même tube un autre verre oculaire convexe de deux côtés, et qui soit un segment d'une moindre sphère, de sorte que son foyer soit en Q.

Ce télescope grossira davantage le diamètre de l'objet, que si le verre objectif devait représenter son image à la même distance E Q, et par conséquent un pareil télescope plus court qu'un télescope ordinaire doit faire le même effet que ce dernier. Cependant cette construction n'a pas réussi dans la pratique. On en devinera facilement la raison par ce que nous avons dit un peu plus haut sur les objectifs.

Le télescope terrestre ou télescope de jour, que l'on doit au père Rheita, est un télescope composé de plus de deux verres, dont l'un est ordinairement un verre objectif convexe, et les trois autres des verres oculaires convexes. C'est un télescope qui représente les objets dans leur situation naturelle, comme celui de Galilée, mais qui en diffère cependant, comme on vient de le voir, par le nombre et la forme de ses verres. On lui a donné le nom de terrestre, parce qu'il sert à faire voir pendant le jour les objets qui sont sur l'horizon, ou aux environs.

Pour faire un télescope terrestre, ajustez dans un tube un verre objectif, qui soit convexe de deux côtés, ou plan - convexe, et qui soit un segment d'une grande sphère ; ajoutez-y trois verres oculaires, tous convexes des deux côtés, et segments de sphères égales, et disposez-les de manière que la distance de deux de ces verres soit la somme des distances de leurs foyers, c'est-à-dire que les foyers de deux verres voisins se répondent.

Théorie du télescope terrestre ; l'oeil appliqué au foyer du dernier verre doit voir les objets d'une manière très-distincte, droits et grossis, suivant la proportion de la distance du foyer d'un des verres oculaires L K, fig. 44. à la distance du foyer du verre objectif A B.

Car 1°. suivant ce que nous avons déjà dit, les rayons venant à frapper pareillement l'objectif, l'image de l'objet doit être représentée renversée à la distance du foyer principal ; ainsi comme cette image est au foyer du premier verre oculaire, les rayons, après une seconde réfraction, deviennent parallèles, et venant à frapper le troisième verre, après y avoir subi une troisième réfraction, ils représentent l'image renversée de nouveau, c'est-à-dire une image droite de l'objet. Cette image se trouvant donc dans le foyer du troisième verre oculaire, les rayons, après une quatrième réfraction, deviennent parallèles, et l'oeil les reçoit dans cette situation ; par conséquent la vision doit être distincte, et l'objet doit paraitre dans sa situation naturelle.

2°. Si I Q est égal à I K, c'est-à-dire, à la distance du foyer du verre objectif, un oeil placé en M doit voir le demi-diamètre de l'objet grossi dans la proportion de L M à K I ; mais le rayon A Q partant du foyer Q du verre objectif A B, après la réfraction, devient parallèle à l'axe I L ; par conséquent le premier verre oculaire C D le joint à l'axe en M, qui est la distance d'un demi-diamètre.

Et comme le foyer du second verre oculaire E F est aussi en M, le rayon F H, après la réfraction, devient parallèle à l'axe N O ; de sorte que le troisième verre oculaire le joint à l'axe en P ; mais les demi-diamètres des verres G H et C D, sont supposés égaux ; par conséquent P O est égal à L M ; ainsi comme les angles droits en O et en L sont égaux, et que H O est égal à C L, l'angle O P H est égal à C M L ; c'est pourquoi le demi-diamètre de l'objet parait le même en P et en M ; et par conséquent il est grossi dans la proportion de L M, ou de P O à K I.

D'où il suit 1°. qu'un télescope astronomique peut aisément être changé en télescope terrestre, en y mettant trois verres oculaires au-lieu d'un seul ; et le télescope terrestre en télescope astronomique, en supprimant deux verres oculaires, la faculté de grossir demeurant toujours la même.

2°. Comme la distance des verres oculaires est fort petite, l'addition de deux de ces verres n'augmente pas de beaucoup la longueur du télescope.

Cette construction fait connaître évidemment que la longueur du télescope terrestre se trouve en ajoutant cinq fois le demi-diamètre de verres oculaires au diamètre du verre objectif, si celui - ci est plan-convexe, ou-bien à son demi-diamètre s'il est convexe des deux côtés.

Huygens a observé le premier que c'est une chose qui contribue beaucoup à la perfection des télescopes tant astronomiques que terrestres, que de placer dans l'endroit où se trouve l'image qui rayonne sur le dernier oculaire, ou celui qui est le plus près de l'oeil, que de placer, dis-je, un petit anneau de bois ou de métal, ayant une ouverture un peu plus petite que la largeur du verre oculaire. Par ce moyen on empêche les couleurs étrangères de troubler la clarté de l'objet, dont toute l'étendue renfermée dans ses propres bornes, vient frapper l'oeil d'une manière plus distincte et plus précise qu'elle ne pourrait faire sans cet anneau.

On fait quelquefois des télescopes terrestres à trois verres, dont Kepler donna aussi la première idée. Ces télescopes représentent également les objets droits et grossis ; mais ils sont sujets à de grands inconvénients ; car les objets y paraissent teints, barbouillés de fausses couleurs et défigurés vers les bords. On en fait encore à cinq verres, et jusqu'ici il avait paru qu'ils ne pouvaient représenter les objets que d'une manière assez faible et assez confuse à cause des rayons qui doivent être interceptés en passant par chacun de ces verres. Cependant M. Dolland, célèbre opticien anglais, a fait voir dernièrement par plusieurs excellentes lunettes à six verres, que l'interception de ces rayons n'était point autant qu'on l'imaginait, un obstacle à la perfection des télescopes. Enfin, on fait depuis quelques années, en Angleterre, des lunettes d'approche de nuit, qui servent principalement sur mer pour suivre un vaisseau, reconnaître une côte, l'entrée d'un port, etc. Ces lunettes, dont la première idée nous parait due au docteur Hook, sont composées d'un objectif d'un grand diamètre, afin qu'il puisse recevoir beaucoup de rayons, et de deux ou de quatre oculaires. Ces oculaires servent principalement à diminuer la longueur de ces lunettes, dans lesquelles on voit les objets renversés. Cet inconvénient est moindre qu'on ne le croirait d'abord, parce que pour l'usage auquel on les destine, il suffit qu'elles puissent faire reconnaître et distinguer sensiblement les masses. De plus, l'habitude de s'en servir doit bientôt diminuer, ou même cet inconvénient doit disparaitre. Les Imprimeurs, comme on sait, par l'usage qu'ils ont de composer en renversant les lettres pour l'impression, lisent aussi-bien dans ce sens, comme si elles étaient droites.

Le télescope catoptrique ou cata-dioptrique, ou de réflexion, est principalement composé de miroirs en place de verres ou de lentilles ; et au-lieu de représenter les objets par réfraction comme les autres, il les représentent par réflexion. Voyez CATOPTRIQUE.

On attribue ordinairement l'invention de ce télescope à l'illustre Newton. Ses grandes découvertes en optique, les voies par lesquelles il a été mené à l'imaginer ; le succès qu'il a eu en l'exécutant, ayant été le premier qui en ait fait un ; enfin son nom, sont autant de titres auprès de beaucoup de personnes pour l'en regarder comme l'inventeur.

Cependant, s'il l'inventa, comme on n'en peut presque pas douter, par ce que nous rapporterons dans la suite, il ne fut pas le premier. Il ne commença à penser à ce télescope, comme il le dit lui - même, qu'en 1666, et trois ans auparavant, c'est-à-dire en 1663, Jacques Gregorie, savant géomètre écossais, avait donné dans son optica promota, sa description d'un télescope de cette espèce. Cassegrain, en France, avait eu aussi à-peu-près dans le même temps, une idée semblable ; mais ce qu'on aura peut-être de la peine à croire, c'est que la première invention de ce télescope date de plus de 20 ans auparavant, et appartient incontestablement au père Mersenne.

En effet, on trouve dans la proposition septième de sa catoptrique, où il parle de miroirs composés, ces paroles remarquables. " On compose un grand miroir concave parabolique, avec un petit convexe, ou concave aussi parabolique, y ajoutant, si on veut, un petit miroir plan, le tout à dessein de faire un miroir ardent qui brulera à quelque distance aux rayons du soleil. La même composition peut aussi servir pour faire un miroir à voir de loin, et grossir les espèces, comme les lunettes de longue vue ". Immédiatement après, il dit encore la même chose, en supposant seulement qu'au-lieu du petit miroir parabolique, on lui en substitue un hyperbolique. Dans sa balistique, il donne la figure de cette espèce de miroir, et on voit distinctement dans cette figure une grande parabole, au foyer de laquelle, ou plutôt un peu plus loin, se trouve une petite parabole qui réfléchit parallélement au-travers d'une ouverture, faite dans le fond de la première, les rayons parallèles qui tombent sur celle-ci. Or ce qui montre que cette idée d'un télescope de réflexion n'était point, comme on le pourrait croire, de ces idées vagues qui passent par la tête d'un savant, et dont il parle souvent sans s'en être occupé, c'est ce qu'on trouve dans deux lettres de Descartes. Voyez la xxix et la xxxij. du vol. II. de ses lettres, où il semble répondre à ce père, qui apparemment lui avait demandé son sentiment touchant ces nouveaux télescopes.

" Les lunettes, dit-il, que vous proposez avec des miroirs, ne peuvent être ni si bonnes ni si commodes que celles que l'on fait avec des verres ; 1°. pour ce que l'oeil n'y peut être mis fort proche du petit verre ou miroir, ainsi qu'il doit être ; 2°. qu'on n'en peut exclure la lumière comme aux autres avec un tuyau ; 3°. qu'elles ne devraient pas être moins longues que les autres, pour avoir les mêmes effets, et ainsi ne seraient guère plus faciles à faire ; et s'il se perd des rayons sur les superficies des verres, il s'en perd aussi beaucoup sur celles des miroirs. "

Dans la seconde lettre, il ajoute : " Vos difficultés touchant les lunettes par réflexion, viennent de ce que vous considérez les rayons qui viennent parallèles d'un même côté de l'objet, et s'assemblent en un point, sans considérer avec cela ceux qui viennent des autres côtés, et s'assemblent aux autres points dans le fond de l'oeil où ils forment l'image de l'objet. Car cette image ne peut être aussi grande, par le moyen de vos miroirs, que par les verres, si la lunette n'est aussi longue ; et étant si longue, l'oeil sera fort éloigné du petit miroir, à savoir de toute la longueur de la lunette, et on n'exclud pas si bien la lumière collatérale par votre tuyau ouvert de toute la largeur du grand miroir que par les tuyaux fermés des autres lunettes. "

Ces deux passages sont si importants, que j'ai cru devoir les rapporter en entier. En effet ils prouvent que le P. Mersenne, comme nous l'avons dit, s'était fort occupé du télescope de réflexion, et que la construction qu'il comptait lui donner, était toute semblable à celle qu'ils ont aujourd'hui ; le grand miroir devant être (comme on le voit par les objections de Descartes) dans le fond d'un tuyau, et le petit miroir à une certaine distance. Ils montrent encore ce que l'on pouvait conclure du passage de ce père, rapporté plus haut, que dans la construction de son télescope, il n'y aurait point eu d'oculaire, les rayons devant être réfléchis parallèlement par le petit miroir, et entrer ainsi dans l'oeil. Car Descartes insiste sur ce que l'oeil ne pourrait être mis aussi proche de ce miroir, qu'il était nécessaire, devant par cette construction en être éloigné de toute la longueur de la lunette.

Lorsque Descartes prétendait que, pour voir les objets distinctement avec ces nouveaux télescopes, il fallait qu'ils fussent aussi longs que les autres ; il n'était pas difficîle de lui montrer qu'il se trompait. Il oubliait qu'un objectif convexe de deux côtés a son foyer au centre de la sphère dont il fait partie, pendant qu'un miroir concave, et dont la concavité fait aussi partie de la même sphère, a son foyer une fois plus près, c'est-à-dire, à la moitié du rayon. Il n'était pas moins facîle de répondre à la plupart de ses autres objections : cependant il est très - vraisemblable qu'elles empêchèrent le P. Mersenne de s'occuper plus longtemps de ces nouveaux télescopes, et lui firent abandonner le dessein de les perfectionner, ou d'en faire exécuter. Tel est le poids des raisons d'un grand homme, qu'à-peine ose-t-on en appeller. Nous avons dit que ce père avait imaginé ce télescope plus de vingt ans avant que Grégorie en eut parlé ; c'est ce qui est prouvé par le temps où ces lettres de Descartes que nous avons rapportées, ont été écrites. On voit par la date de celles qui suivent, qu'elles le furent à-peu-près vers le milieu de l'année 1639. Au reste, la vérité nous oblige de dire, que si elles furent écrites dans ce temps - là, elles ne furent publiées que plus de vingt ans après la date de leur première impression, n'étant que du commencement de 1666. Ainsi Gregorie ne pouvait les avoir vues ; mais il aurait bien pu avoir connaissance du traité de l'optique et de la catoptrique du P. Mersenne, d'où nous avons tiré le passage que nous avons rapporté : car la publication de ce traité est antérieure de quinze ans, ayant été imprimé dans l'année 1651.

Il parait par les paroles de Descartes, que la considération des rayons qui se perdent en passant à-travers le verre, engagea le P. Mersenne à imaginer le télescope de réflexion. Gregorie y fut conduit par une raison à-peu-près semblable ; mais qui était d'autant mieux fondée, qu'elle portait sur l'impossibilité qui paraissait alors de donner aux télescopes dioptriques une certaine perfection. En effet, comme les verres hyperboliques qu'on voulait substituer aux verres sphériques, pour produire une réunion plus parfaire des rayons, avaient eux-mêmes un très-grand inconvénient, en ce qu'il fallait les faire fort épais, dès qu'on voulait que l'image dans un télescope qui grossissait à un certain point, fût suffisamment lumineuse ; il s'ensuivait que ces verres hyperboliques par une grande épaisseur, devaient intercepter un grand nombre de rayons. Ce nouvel obstacle à la perfection de ces télescopes, donna donc à Gregorie, comme il le rapporte lui-même, l'idée de substituer des miroirs aux verres, et de faire un télescope de réflexion. Mais quelques tentatives qu'il fit, et il en fit beaucoup, elles ne furent point heureuses. Il eut le chagrin, faute d'être secouru par d'habiles artistes, de ne point jouir de sa découverte, et voir avec ce nouveau télescope. Il était réservé à Newton d'en prouver la possibilité par des essais heureux, et d'en montrer incontestablement les avantages par ses découvertes. Car, comme elles lui apprirent que les différents rayons dont un seul rayon est composé, ne sont pas également réfrangibles ; il en conclut qu'il était impossible quelque forme qu'eut une lentille, soit sphérique, soit hyperbolique, qu'elle put réunir tous les rayons dans un même point, et par conséquent qu'il n'y eut de l'iris. Il trouva, comme on le voit dans son optique, que les plus grandes erreurs dans la réunion des rayons au foyer, qui viennent de la figure sphérique d'une lentille, sont à celles qui naissent de l'inégale réfrangibilité de différents rayons, comme 1 à 1200 : il résultait de - là que toutes les peines que l'on s'était données pour avoir des verres hyperboliques, étaient inutiles ; puisque l'erreur qui naissait de la sphéricité des lentilles était peu sensible par rapport à l'autre, et que l'inégale réfrangibilité des rayons limitait entièrement la perfection des télescopes dioptriques. Mais ces difficultés ne devaient point avoir lieu, lorsque ces objets seraient vus par réflexion, la lumière dans ce cas ne se décomposant point ; Newton devait donc être conduit en conséquence à imaginer une manière de les voir de cette façon, ou en d'autres termes, à inventer le télescope de réflexion, et c'est ce qu'il fit. Il fit plus, comme nous l'avons dit, il en construisit un d'un peu plus de six pouces de long, avec lequel il pouvait lire de plus loin qu'avec une bonne lunette d'approche ordinaire avec un oculaire concave, et qui avait quatre pieds de long. Il avait seulement le défaut de représenter les objets d'une manière un peu obscure, ce qu'il attribue à ce qu'il grossissait un peu trop, et à ce que plus de rayons se perdaient en se réfléchissant de dessus le miroir, qu'en passant à-travers ce verre. Plus bas, il nous dit que cette invention n'attendait que la main d'un habîle artiste, pour être portée à sa perfection. Par cet exposé, il parait presque hors de doute que Newton imagina le télescope de réflexion, comme l'avait fait avant lui le P. Mersenne, et après ce père, Gregorie et Cassegrain. Ce qu'il y a de certain, c'est que s'il ne fut pas le premier qui en ait eu l'idée, on ne lui en doit pas moins cet instrument, par la manière dont il en établit et en prouva les avantages, et par les soins qu'il se donna pour l'exécuter. Cependant, malgré ce qu'on en pouvait espérer, il se passa un longtemps, sans que personne tentât d'en faire. Ce ne fut qu'en 1719 que M. Hadley, de la société royale de Londres, parvint à en faire deux de 5 pieds 3 p. d'Angleterre, qui réussirent si bien, qu'avec un de ces télescopes il voyait les satellites de Jupiter et de Saturne aussi distinctement qu'avec un de ces télescopes ordinaires de 123 pieds. M. Hadley ayant communiqué depuis à M. Bradley, astronome du roi et à M. Molineux, ses lumières sur l'exécution de cet instrument, ces Messieurs s'associèrent pour tâcher d'en faire de 26 pouces de long : leur but principal dans cette entreprise était de si bien perfectionner l'art des télescopes, que les plus habiles artistes de Londres pussent en faire à un prix raisonnable, et sans s'exposer à se ruiner par des essais infructueux. Ce noble dessein, qu'on ne peut trop louer, fera éternellement honneur à ses auteurs : et il serait bien à souhaiter pour le progrès des arts, qu'il trouvât un plus grand nombre de généreux imitateurs. Ces Messieurs ayant réussi, communiquèrent en conséquence à M. Scuslet, habîle opticien, et à M. Héarne, ingénieur pour les instruments de Mathématique, tout ce qu'ils savaient sur cette matière. Depuis ce temps-là ces télescopes sont devenus communs de plus en plus : on en a fait non seulement en Angleterre, mais encore en Hollande, en France, etc.

MM. Paris et Gonichon associés, et M. Passemant méritent ici une place et nos éloges, pour avoir eu le courage de tenter de faire de ces télescopes, et y avoir réussi sans aucun des secours qu'avaient eu les opticiens anglais. Les premiers télescopes de MM. Paris et Gonichon furent faits vers l'année 1733 ; ceux de M. Passemant un an ou deux après. Depuis, ces célèbres artistes n'ont cessé de perfectionner cet instrument, et il aurait été à souhaiter qu'on les eut encouragés davantage, pour qu'ils eussent pu porter cette partie de l'optique aussi loin que les Anglais.

Avant de terminer cette histoire des télescopes de réflexion, nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer qu'il se passa près de 60 ans, en ne datant que depuis Gregorie, avant qu'on parvint à faire de ces télescopes avec quelque succès, pendant qu'à peine connoit-on un intervalle entre le temps de l'invention du télescope dioptrique, et son exécution. La raison en est simple : on savait déjà polir les verres, et leur donner la forme convexe ou concave ; tout était ainsi préparé pour leur réussite : mais il n'en était pas de même des autres. L'art de polir des miroirs, et de leur donner la forme qu'on désirait, n'était pas encore connue. Gregorie, comme on l'a vu, y échoua, et malgré les espérances de Newton, ce ne fut que longtemps après la publication de son optique, que MM. Hadley, Bradley et Molineux parvinrent à faire de ces télescopes : tant il est vrai que la pratique, si souvent méprisée par les savants, vains de leurs spéculations, est importante ; et que faute d'être assez cultivée, nombre d'inventions heureuses restent longtemps inutiles, ou même sont quelquefois perdues.

Pour procéder avec plus d'ordre, nous commencerons par donner la description du télescope de Gregorie qui est aujourd'hui le plus en usage, et la théorie de ses effets. Nous dirons ensuite en quoi en différe celui de Cassegrain, et enfin celui de Newton : nous parlerons des avantages respectifs des uns et des autres, et de leurs inconvénients : nous ferons voir particulièrement en quoi celle de Newton l'emporte sur les deux autres. Nous ajouterons quelque chose sur la composition des miroirs et sur la manière de les polir. Enfin nous ferons tout notre possible pour dire tout ce qui est nécessaire sur ce télescope, sans cependant entrer dans un détail trop étendu et qui nous menerait non à faire un article, mais un livre.

Construction du télescope de Gregorie. Cet instrument est composé d'un tube f g B A A, et d'un plus petit tube I B K A m o ; dans le fond du grand tube en F F est un grand miroir concave percé à son centre d'une ouverture d'un 1/2 pouce de diamètre, ou aux environs. En f est un autre miroir concave a c b d'un 1/2 p. de diamètre, dont la concavité fait partie d'une plus petite sphère que le grand miroir, et qui est placé de façon que son foyer t se trouve un peu au-delà du point T, foyer de grand miroir : en K m est placée une lentille ou un oculaire i.

Theorie de ce télescope. La construction précédente bien entendue, on conçoit facilement que les rayons partant d'un objet éloigné P peuvent être regardés comme parallèles, ainsi tombant sur ce grand miroir en F F, ils seront réfléchis et réunis à son foyer en T, où ils formeront l'image de l'objet, mais divergens de ce point, ils tomberont sur le petit miroir a c b, d'où ils seront encore réflechis ; et comme par sa position et sa courbure, il doit réunir ces rayons au point q, ces rayons divergens une seconde fais, entreront dans l'oculaire l. Or par la construction le point q étant le foyer de l'oculaire, ils en sortiront nécessairement parallèles. Et, comme nous l'avons dit plus haut, tous les objets vus par des rayons parallèles, étant vus distinctement, l'on verra de même l'objet P qui est fort éloigné du télescope. Pour savoir maintenant dans quel rapport l'objet est grossi ; on fera attention à ceci, que la grandeur apparente d'un objet est toujours comme l'image qui s'en forme dans l'oeil, et que cette image est toujours proportionnelle à l'angle sous lequel on voit l'objet ; il n'est donc question que de trouver le rapport de l'angle p l q, ou R o l, à l'angle S E T, angle sous lequel on le verrait, si l'oeil était placé en E. Or on sait, par les lois de la catoptrique (Voyez MIROIR CONCAVE, &c.), que l'image d'un objet qui se forme au foyer d'un miroir concave est toujours déterminée par un rayon P E S, que l'on suppose venir de l'extrémité de l'objet, et passer par le centre E. La grandeur de l'image de l'objet P au foyer du miroir A A B sera donc S T ; mais de même la grandeur de cette image après la seconde réflexion en a b sera déterminée par un rayon S e p, passant par e centre du petit miroir a b, elle sera donc e égale à p q, p l q, ou son égal R o l, sera donc l'angle sous lequel on verra l'image, au-travers de l'oculaire o. On sait de plus que de petits angles qui ont même sinus, peuvent être regardés comme étant en raison inverse de leurs côtés. L'angle T e S sera donc à l'angle T E S comme T E à T e ; mais les angles T e S et p e q étant opposés au sommet sont égaux, l'angle p e q sera donc à l'angle T E S, comme T E à T e ; l'angle p q l est à l'angle p e q, comme e q, q l, on aura donc ces deux analogies ; l'angle T e s ; l'angle T E S : : T E ; T e : l'angle p q l ; l'angle T e s : : e q, q l. Or en les multipliant, il viendra que L p x q l. L T x E S : : T E x e q : T e x q l, donc l'objet Ve à travers le télescope sera grossi dans la raison de (T E x e q.)/(T e x q l) mais par les principes de la catoptrique. Voyez FOYER, MIROIR, CONCAVE, etc. on n'a que t T. t c : : t c. t q, et en divisant, et en renversant que t e, t T ou T e : t T : : t q, t e ou e q : t e, c'est - à - dire, en permutant que T e : e q : : t T : t e : : t e : t q ; donc en substituant à la place d'e q, et de T e leurs proportionnels t q, t e ; on aura que l'objet sera grossi dans la raison de (T E x t q)/(t e x q l) ou dans la raison composée de la distance du foyer du grand miroir, à celle du foyer du petit, et de la distance du foyer du petit miroir au-lieu de l'image après la seconde réflexion, à la longueur du foyer de l'oculaire, comme il y a deux réflexions ; on voit que l'objet qui doit être Ve dans sa situation naturelle : car si après la première il est renversé, il l'est encore de nouveau après la seconde ; et par conséquent l'image se trouve dans la même situation que l'objet. Telle est en général la théorie de ce télescope.

Télescope de Cassegrain. Le télescope proposé par M. Cassegrain, ne diffère de celui de Gregorie que nous venons de décrire, que par la forme du petit miroir, qui est convexe dans ce télescope, au lieu d'être concave ; c'est pourquoi nous n'entrerons dans aucun détail sur sa théorie. Nous dirons seulement qu'il résulte de cette forme deux choses ; 1°. qu'on peut le faire plus court que celui de Gregorie ; 2°. qu'au lieu de représenter comme celui-ci, les objets dans leur situation naturelle, il les renverse. On concevra facilement le premier point, si l'on fait attention que le petit miroir étant convexe, il ne peut faire tomber les rayons qu'il réfléchit, sur l'oculaire, sous le même angle, que le petit miroir concave de la même sphéricité, et auquel on le suppose substitué, qu'autant qu'il est placé plus près du grand miroir, d'un espace égal au double de la distance de leur foyer. Car en décrivant le télescope de Gregorie, nous avons dit, que le petit miroir devait être placé de façon que son foyer fût un peu au-delà de celui du grand miroir, afin que les rayons après la réflexion fussent convergens vers le foyer de l'oculaire. Le petit miroir convexe dans le télescope de Cassegrain, doit donc être placé en-deçà du foyer du grand miroir, d'une quantité telle que son foyer virtuel tombe au même point où se serait trouvé celui du petit miroir concave. En effet, en y réfléchissant, on verra par-là que les rayons, après la réflexion de dessus ce petit miroir, convergeront vers le même point, que s'ils avaient été réfléchis de dessus le petit miroir concave. Il suit de-là, comme on voit, qu'on peut faire ce télescope plus court que celui de Gregorie, de deux fois la distance du foyer du petit miroir. En second lieu, nous avons dit, qu'il renversait les objets, c'est ce qui ne sera pas plus difficîle à comprendre ; car après la seconde réflexion sur le petit miroir convexe, les parties de l'image se trouveront encore du même côté de l'axe du télescope, qu'elles se seraient trouvées au foyer du grand miroir, c'est-à-dire que celles qui se seraient trouvées à droite, seront de même à droite, après cette réflexion. Parce que pour peu qu'on y réfléchisse, on verra que les rayons ne se croisent pour arriver à leur foyer, que comme ils auraient fait pour arriver au foyer du grand miroir. Or, comme nous l'avons dit, en parlant du télescope de Grégorie, l'image de l'objet est renversée à ce foyer, elle le sera donc encore après la seconde réflexion, et ainsi en entrant dans l'oeil, après avoir traversé l'oculaire. Comme ce télescope peut être plus court que celui de Gregorie, de deux fois la distance du foyer du petit miroir, et qu'il grossit un peu plus ; il s'ensuit qu'on peut l'employer avec avantage dans l'astronomie, où comme nous l'avons déjà dit, il est indifférent que les objets soient renversés, par exemple, dans la chaise marine de M. Grurin, où il importe que l'instrument soit le plus court possible. Au reste, cette construction parait jusqu'ici avoir été assez négligée, malgré les avantages dont nous venons de parler. On lui a préféré celle de Gregorie et celle de Newton, quoique pour l'astronomie, ce télescope parait avoir l'avantage sur celui de ce grand homme, par la plus grande facilité que l'on a de trouver les objets. En effet, dans le sien, comme on le verra dans un moment, on est obligé de fixer sur le tube une lunette, dont l'axe est parallèle à celui du télescope, pour le diriger avec plus de facilité vers l'objet qu'on veut observer.

La seule chose qu'on pourrait objecter en faveur de ce dernier, c'est qu'il est plus commode pour observer les astres très-près du zénith.

Télescope de Newton ou newtonien. Le télescope de Newton, diffère de celui de Gregorie et de Cassegrain, en ce que le grand miroir concave n'est point percé, que le petit miroir n'est ni convexe, ni concave ; mais simplement plan, elliptique, et incliné à l'axe du télescope de 45 deg. enfin, que l'oculaire convexe est placé sur le côté du télescope dans la perpendiculaire à cet axe, tirée du centre du petit miroir. Ainsi dans ce télescope, le grand miroir réfléchit les rayons qui viennent de l'objet, sur le petit, qui les réfléchit à son tour sur l'oculaire, d'où ils sortent parallèles. Pour cet effet, le petit miroir est placé en-deçà du foyer du grand, d'un espace tel qu'il est égal à la distance du centre de ce petit miroir au foyer de l'oculaire. De façon, que les rayons après avoir été réfléchis sur ce miroir, allant se réunir en un point entre lui et l'oculaire, ce point est le foyer de ce dernier. Cela suffira pour entendre la théorie de ce télescope, en se rappelant ce que nous venons de dire sur celle du télescope de Gregorie, etc. Voyez la figure.

Par cette construction, on comprendra facilement que dans ce télescope, on doit voir les objets renversés. En effet, comme nous l'avons déjà dit, l'image de l'objet est renversée au foyer du grand miroir, et comme sa position ne change point, par la réflexion sur le petit, les parties de cette image qui étaient en-haut, restant encore en-haut ; de même celles qui étaient en-bas restent encore en-bas. Il s'ensuit que l'oeil doit voir cette image dans la même situation qu'avant cette réflexion, et ainsi voir les objets renversés ; un oculaire convexe, comme nous l'avons dit plusieurs fais, ne changeant rien à la situation de l'image peinte à son foyer.

Par la position de l'oeil dans ce télescope, il est assez difficîle de le diriger vers un objet ; c'est pourquoi pour y parvenir avec plus de facilité, on place dessus une petite lunette dioptrique, dont l'axe est parallèle à celui du télescope. Les anglais l'appellent un trouveur, nous pourrions l'appeler en français un directeur. Cependant malgré ce secours, on a encore quelquefois de la peine à diriger cet instrument. Sans cet inconvénient, ce télescope serait préférable, à plusieurs égards, aux deux autres ; car le grand miroir n'étant point percé, et le petit miroir étant placé dans une position oblique ; il s'ensuit, qu'il y a bien moins des rayons du centre perdus, et l'on sait, qu'ils sont les plus précieux, parce qu'ils sont les seuls qui se réunissent véritablement en un point, c'est-à-dire au quart du diamètre. Aussi Newton prétendait-il que son télescope était fort supérieur à celui de Grégorie, et qu'avec celui - ci on devait voir les objets fort imparfaitement. En effet, la théorie semblait l'annoncer ainsi ; cependant l'expérience a montré, que lorsqu'il est bien exécuté, il représente les objets avec beaucoup de netteté, et aussi-bien que celui de Newton : une partie des inconvénients qu'une rigueur géométrique y faisait voir dans la théorie, disparaissant dans la pratique. Au reste, comme toutes les fois qu'un objectif est plus parfait, qu'il réunit plus de rayons, et qu'il les réunit d'une manière plus exacte, l'oculaire peut être d'un foyer plus court, d'où il résulte que l'instrument aura plus de puissance pour grossir les objets ; de même, dis-je, dans le télescope de Newton, le miroir concave réunissant plus de rayons, et d'une manière plus précise, l'oculaire peut être d'un foyer plus court ; d'où, comme nous venons de le dire, ce télescope pourra grossir davantage. Au reste, ces télescopes étant de différentes longueurs, leur puissance de grossir sera comme leur champ, ou comme les diamètres des miroirs, diamètres qui doivent être entr'eux comme les cubes des racines carrées des longueurs respectives des télescopes. Lorsque le grand miroir d'un télescope Newtonien est aussi parfait qu'il est possible, le rapport dans lequel il grossit les objets, est à celui dans lequel il grossirait dans celui de Cassegrain, toutes choses étant d'ailleurs égales, dans le rapport de 6 à 5.

Lorsque nous avons parlé du télescope de Gregorie, nous avons simplement exposé sa construction et la théorie de ses effets, afin de commencer par en donner une idée générale ; il faut maintenant entrer dans un détail plus particulier.

Nous avons supposé qu'il n'avait qu'un oculaire convexe ; dans la pratique on lui en donne toujours deux actuellement pour augmenter un peu son champ. Voici sur quoi cela est fondé, et comment on détermine les foyers de ces oculaires, supposant que l'x soit la distance focale (il faut nous permettre ce mot) du simple oculaire l k ; si on prend vers les miroirs l m = 2 l Xe et l n = 1/3 l m, et qu'au lieu de l'oculaire l k, on en substitue deux autres en m et en n, dont les foyers soient respectivement comme l m et l n ; le télescope grossira autant qu'auparavant, et son champ sera plus net et plus exempt d'iris vers les bords ; c'est pourquoi on pourra même l'augmenter un peu, s'il était auparavant suffisamment distinct. Car ayant partagé m n en deux également au point q ; on aura par la construction q n = n l, et ayant fait m f = m l, on aura x f est à x m et x m à x q, comme 3 à 1. Ainsi les rayons du pinceau principal, qui par la réflexion, auraient convergés vers Xe seront maintenant réfrangés au travers de l'oculaire m, en q, et traversant ensuite l'oculaire n sortiront parallèlement. Il suit de-là, que par le moyen de l'oculaire m, l'image x sera réduite à l'image p q, terminée en p, par la ligne m : tirant donc la ligne m n, on aura les deux triangles isoceles et semblables m p n, m l ; d'où il suit que l'oeil dans un point quelconque o, verra l'objet sous un angle p n q, ou l Xe c'est-à-dire de la même grandeur, qu'avec le simple oculaire l. Maintenant, pour prouver que si l'on partage la ligne l n, en deux également au point o, l'oeil placé dans ce point verra le plus grand champ possible, supposant qu'a g soit le rayon d'un pinceau oblique, qui tombe sur l'oculaire m, dans une ligne parallèle à son axe ; après la réfraction, il tendra vers l, foyer principal de cet oculaire, jusqu'à ce que rencontrant l'autre oculaire n, il en sortira dans la ligne h o, parallèle à p n, et partagera en deux également la ligne n l au point o. Et puisque tous les rayons de ce pinceau sortiront parallèles à h o, et extrêmement près de cette ligne ; nous pourrons en conséquence prendre ce point o pour la place de l'oeil.

Supposons maintenant que les oculaires m, n, soient ôtés, le rayon parallèle a g tombera sur l'oculaire simple K l en K, et sera réfrangé dans la ligne K l, parallèle à l , à laquelle tous les autres rayons de ce pinceau sont aussi parallèles. Mais la vision d'un objet, produite par les mêmes rayons, est plus distincte lorsque l'oeil est placé en O, que lorsqu'il est placé en i, parce que plus la distance focale d'un oculaire a un grand rapport avec son diamètre, plus cette vision se fait distinctement. Or les rapports des distances focales aux ouvertures respectives des oculaires m, n, c'est-à-dire de l m à m g et de l n à n h, sont chacun en particulier dans la raison double du rapport de la distance focale de l'oculaire l à son ouverture ou à son champ, c'est-à-dire de celle de L i ou l x à l K ; donc, comme nous venons de le dire, ils procureront une vision plus distincte.

On augmentera encore la netteté, en faisant les oculaires m, n plans convexes, et en tournant leur côté plan vers l'oeil, de façon que leur seconde réfraction des rayons dans l'air, qui contribue beaucoup plus à la production des iris, que leur première, sera moindre qu'elle n'aurait été en les tournant dans le sens contraire.

La grandeur du grand miroir étant donnée, il est important de déterminer celle du petit. Pour cet effet.

Sait T le foyer, et T C la distance focale du grand miroir, A B, B A, C A la moitié de son diamètre, C B le demi-diamètre de son trou, au-travers duquel la dernière image x de l'objet éloigné, P Q est réfléchie par le petit miroir a c a. Si l'on suppose que les rayons Q A, Q A, les plus éloignés de l'axe et qui lui sont parallèles, passent après la première réflexion par le foyer T, et aillent tomber sur le petit miroir en a, a, la surface, donc la largeur sera a c a, sera suffisante pour recevoir tous les principaux rayons et les réfléchir en Xe centre de la dernière image. Et si le petit miroir est moins grand que a a, quelques rayons, après la première réflexion, passeraient au-delà et seraient perdus ; et s'il est plus large que a a, il interceptera une plus grande quantité de rayons qui seront aussi perdus.

Quant au diamètre du trou B B du grand miroir, s'il est plus grand que a a, quelques-uns des rayons les plus intérieurs y entreraient et seraient perdus ; et s'il est moindre que a a, dont l'ombre est plutôt plus grande que lui, il n'en tombera pas davantage de rayons sur le miroir, que s'il était aussi grand. C'est pourquoi le point Xe auquel ces rayons sont réfléchis, sera aussi éclairé qu'il est possible, lorsque la largeur a a sera suffisante pour recevoir le pinceau de rayons principal, et que B B ne sera pas plus grand que a a. Supposant que le trou dans le grand miroir reste de la grandeur que nous venons de déterminer ; si l'on augmente le petit miroir d'une petite zone, dont la largeur soit à la largeur de la moitié de la première image, comme la distance entre les deux miroirs est à la distance focale du plus grand, la dernière image sera alors éclairée d'une manière uniforme, mais un peu moins vivement que son centre ne l'était auparavant, par la perte d'autant de lumières que cette zone en intercepte. Car ayant tiré les lignes A S, A S, l'arc a c a coupera l'une en b ; et s'il est prolongé, touchera l'autre en d, et alors les rayons tombant du point P sur l'arc A A, et appartenant à S, après leur première réflexion seront tous reçus sur l'arc b c d, et en seront réfléchis en x ; et en tournant cet arc c, a, d, autour de l'axe c T, le petit miroir a c a sera augmenté d'une zone de la largeur a d, et recevra tous les rayons, partant d'un objet circulaire décrit par P Q, tourné sur le même axe Q C. Or par les figures semblables A a d, A T S, on aura a d. T S : : (A a : A T : :) C c. C T. Donc, etc.

Il résulte de ce qui vient d'être dit, que l'image de l'objet sera plus vive lorsque le diamètre du petit miroir sera de la grandeur déterminée par la règle précédente, et qu'elle sera d'une lumière plus uniforme, mais moins vive, quand on augmentera ce petit miroir dans la proportion que nous venons de donner. M. Short, célèbre opticien de Londres, et qui parait jusqu'ici l'avoir emporté sur tous les artistes qui ont fait des télescopes de réflexion, préfère de donner au petit miroir un peu plus de largeur qu'à l'ouverture du grand, et cela dans la raison de 6 à 5.

Nous avons supposé que le diamètre du grand miroir était donné, cependant c'est une des parties du télescope qui doit être déterminée avec non moins d'attention que les autres ; car s'il est trop grand pour la distance de son foyer, l'image sera confuse, les rayons qui la composeront n'étant pas assez parfaitement réunis ; s'il est trop petit, l'image ne sera pas assez éclairée, et il n'embrassera pas un assez grand champ. Newton prescrit néanmoins de le faire un peu plus grand que les proportions des autres parties ne le comportent, voulant que le champ du télescope soit limité d'une autre manière, c'est-à-dire par une petite plaque percée et située près de l'oculaire. Et comme la détermination de l'ouverture de cette plaque, pour qu'en écartant tous les rayons qui pourraient troubler ou altérer la netteté de l'image, elle ne diminue cependant point trop le champ du télescope, n'est pas moins importante que celle de la grandeur de ce miroir, et qu'il y a encore plusieurs parties qui méritent également d'être déterminées ; nous croyons ne pouvoir mieux faire que de donner ici la table calculée par le docteur Smith, pour les dimensions des diverses parties de télescopes de différentes longueurs, depuis 5 pouces jusqu'à 5 pieds. Voyez son Optique. Elle est calculée sur les mesures d'Angleterre, dont le pied et par conséquent le pouce est au nôtre comme 107 est à 114.

Table des dimensions de quelques télescopes de la forme de ceux de Grégorie, et des rapports dans lesquels ils grossissent.

La table que nous venons de donner n'a été calculée, comme on peut le voir, que pour un oculaire, afin de simplifier le calcul. Mais comme on en emploie toujours deux actuellement, voici une autre petite table qui enseignera la distance de leurs foyers respectifs, celle où ils doivent être l'un de l'autre, l'ouverture du modérateur de la lumière, etc. elle se rapporte à la figure avec laquelle on a expliqué la substitution des deux oculaires à un seul.

Table des dimensions et des positions des deux oculaires.

Ces tables ont été calculées d'après un excellent télescope de M. Short de 9 pouces de foyer, dont voici les dimensions.

D'après ce que nous avons dit sur la manière de déterminer les parties principales du télescope, et d'après ces tables, on pourra facilement en construire un : nous pourrions ajouter ici la manière de calculer les dimensions de toutes les parties d'un télescope, ou de résoudre ce probleme ; la longueur d'un télescope étant donnée, déterminer les proportion de toutes ses parties, pour qu'ayant le degré de distinction et de netteté requis, il y grossisse dans le plus grand rapport possible, en conservant cette netteté ; mais ce problème nous jetterait dans trop de détail, et dans une analyse trop étendue : nous en dirons de même de plusieurs choses que nous pourrions ajouter sur la théorie de ce télescope ; de plus, la pratique a tant d'influence dans la perfection de cet instrument, que si les miroirs ne sont pas d'une forme très-régulière, si le poli n'en est pas dans la plus grande perfection, quand même on aurait observé avec la plus grande précision toutes les proportions requises dans sa construction, il ne ferait qu'un effet médiocre. Messieurs Bradley et Molineux, dont nous avons parlé, quoique parfaitement instruits de ces proportions, et éclairés des lumières que M. Hadley avait acquises sur la fabrication de cet instrument, et leur avait communiquées, firent, avant de réussir, nombre d'essais infructueux. En effet, lorsque ces miroirs ne sont pas d'un métal assez compact, assez dur pour prendre le plus beau poli, et réfléchir la plus grande quantité de rayons possibles, lorsqu'ils ne sont pas de la forme la plus exacte, ils rendent les images des objets d'une manière tout-à-la-fais confuse et obscure. On sait que les irrégularités dans la forme des miroirs, produisent des erreurs six fois plus grandes que celles que produiraient les mêmes irrégularités dans un objectif. Cette difficulté d'avoir des miroirs de métal, qui n'absorbassent pas beaucoup de rayons, a fait conseiller à Newton, dans son optique, de faire les miroirs de télescope de verre ; il tenta même de faire un télescope de quatre pieds, avec un miroir de cette espèce ; mais, comme il nous l'apprend, quoique ce miroir parut d'une forme très-régulière et bien poli, aussi-tôt qu'on l'eut mis au teint, on y découvrit un grand nombre d'irrégularités, et enfin il ne réfléchissait les objets que d'une manière fort obscure et fort confuse. Cependant M. Short, dont nous venons de parler, a été depuis plus heureux ; il a fait plusieurs télescopes avec ces miroirs, qui ont fort bien réussi, et un entr'autres de quinze pouces de foyer, avec lequel on lisait (les Transac. philos.) à deux cent trente pieds ; mais l'extrême difficulté de faire ces miroirs, par la peine qu'on a à rendre les deux surfaces convexes et concaves, bien parallèles l'une à l'autre, les a fait abandonner : on n'en fait presque plus aujourd'hui que de métal ; ce serait peut-être ici le lieu d'exposer les moyens nécessaires pour les bien former et les bien polir ; cependant, comme le dit Newton, c'est un art que la pratique peut beaucoup mieux enseigner, que les préceptes : au reste on trouvera à l'article MIROIR, ce qu'il est nécessaire de savoir pour faire ces miroirs. Quant à leur composition, il y en a un si grand nombre, qu'il serait difficîle de déterminer quelle est la meilleure. M. Hadley, dont nous avons déjà parlé, rapporte qu'il en a essayé plus de cent cinquante, et qu'il n'en a trouvé aucune qui fût exempte de toutes espèces de défauts. En voici une cependant qu'il regarde comme excellente, et comme la meilleure ; le seul défaut qu'elle a est d'être couteuse.

Prenez du cuivre rouge, de l'argent, du régule d'antimoine, de l'étain, de l'arsenic ; faites fondre, et coulez le tout dans des moules de laiton fort chauds. Voici une autre composition que M. Passemant a bien voulu nous communiquer, et qu'il nous a dit réussir très-bien. Un miroir de cette composition ayant été exposé aux injures de l'air pendant plusieurs années, n'en fut ni alteré ni terni.

Prenez vingt onces de cuivre, neuf onces d'étain de mélac, le tout étant en fusion un quart d'heure, après l'avoir remué deux ou trois fois avec une barre de fer, versez-y sept gros de bon antimoine crud, remuez le tout, et le laissez en fusion pendant quinze ou vingt minutes, en prenant garde aux vapeurs qui s'en élèvent. On voit ici la liaison des sciences, les unes avec les autres : car ce serait un beau présent que la chimie ferait à l'optique, si elle lui fournissait un métal compact, dur, peu susceptible des impressions de l'air, et capable de recevoir le plus beau poli, et de réfléchir le plus grand nombre de rayons. Cette circonstance de réfléchir le plus grand nombre de rayons est si importante, et mérite tant d'attention, que dans les télescopes de réflexion, les objets ne paraissent jamais éclairés d'une manière aussi vive que dans les télescopes de réfraction, ou dioptrique, parce que dans ces derniers il y a moins de lumière de perdue par son passage à-travers plusieurs verres, qu'il n'y en a dans les premiers, par l'imperfection de la réflexion. Cet effet est tel que dans un télescope de réflexion, construit pour grossir autant qu'un télescope de réfraction, l'image parait toujours moins grande que dans celui-ci. Cette différence d'apparence de grandeur des deux images, dans ces deux différents télescopes, a surpris M. Molineux et plusieurs autres ; cependant cet effet n'a rien d'extraordinaire, il est facîle à expliquer ; il résulte de cette vérité expérimentale d'optique, que les corps qui sont plus éclairés que les autres, quoique vus sous le même angle, paraissent toujours plus grands. On peut voir dans la Planche d'optique des figures, les différents télescopes dont nous venons de parler.

En exposant les raisons qui ont déterminé Newton à l'invention du télescope de réflexion, nous avons dit que c'était particulièrement la décomposition que les rayons éprouvaient dans les télescopes dioptriques, en passant à-travers l'objectif, ou les oculaires, et qu'il regardait cette décomposition comme un obstacle insurmontable à la perfection de ces instruments. Cependant en 1747. M. Euler imagina de former des objectifs de deux matières différemment refringentes, espérant que par l'inégalité de leur vertu refractive, ils pourraient composer mutuellement leurs effets, c'est-à-dire que l'un servirait à rassembler les rayons désunis, ou séparés par l'autre. Il forma en conséquence des objectifs de deux lentilles de verre, qui renfermaient de l'eau entr'elles ; ayant formé une hypothèse sur la proportion des qualités réfractives de ces deux matières, relativement aux différentes couleurs, il parvint à des formules générales pour les dimensions des télescopes, dans tous les cas proposés. M. Dollond, dont nous avons déjà parlé, entreprit de tirer parti de cette nouvelle théorie de M. Euler ; mais ne s'en tenant point aux dimensions mêmes des objectifs qu'il avait données, parce qu'elles étaient fondées sur des lois de réfraction purement hypothétiques, il leur substitua celles de Newton ; mais les ayant introduites dans les formules de M. Euler, il en tira un résultat facheux pour sa théorie ; c'est que la réunion désirée des foyers de toutes les couleurs, ne pouvait se faire qu'en supposant au télescope une longueur infinie ; cette objection était sans replique, à moins que les lois de réfraction données par Newton, ne fussent pas exactes. Autorisées d'un si grand nom, M. Euler n'osa pas les révoquer en doute ; il prétendit seulement qu'elles ne s'opposaient à son hypothèse que de quantités trop petites pour renverser une loi qui, suivant lui, était fondée sur la nature de la chose. Il paraissait d'ailleurs d'autant moins ébranlé par l'expérience de Newton, que l'on rapportait, et par le résultat qu'on en tirait, que l'un et l'autre n'allaient pas moins qu'à détruire toute possibilité de remédier à la décomposition des rayons par un milieu, en les faisant passer ensuite par un autre : cependant la vérité de cette correction des effets d'un milieu sur les rayons, par un autre milieu, lui paraissait d'autant plus nécessaire, qu'elle était prouvée par le fait ; l'oeil étant composé d'humeurs différemment refringentes, disposées ainsi par l'auteur de la nature, pour employer les inégalités de leurs vertus réfractives à se compenser mutuellement.

Quelques physiciens anglais peu contens de voir que M. Dollond n'opposait jamais aux raisonnements métaphysiques de M. Euler, que le nom de Newton et ses expériences, engagèrent M. Clairaut à lire avec soin le mémoire de ce savant géomètre, surtout la partie de ce mémoire où le sujet de la contestation était portée à des calculs trop compliqués, pour qu'il fût permis à tout le monde d'en juger. Par l'examen qu'il en fit, il parvint à une équation qui lui montra que la loi de M. Euler ne pouvait point avoir lieu, et qu'ainsi il fallait rejeter les rapports de réfraction qu'il en avait conclus, généralement pour tous les rayons colorés. Cependant en 1755. M. Klingstierna, professeur en l'université d'Upsal, fit remettre à M. Dollond, un écrit où il attaquait l'expérience de Newton, par la métaphysique et par la géométrie, et d'une telle manière, qu'elle força M. Dollond de douter de l'expérience qu'il avait si longtemps opposée à M. Euler. Les raisonnements de M. Klingstierna firent plus, ils obligèrent M. Dollond à changer de sentiment ; et ayant en conséquence recommencé les expériences en question, il les trouva fausses, et ne douta plus de la possibilité de parvenir au but que M. Euler s'était proposé ; la proposition expérimentale de Newton, qui persuada pendant tant de temps à M. Dollond, que ce que proposait M. Euler était impraticable, se trouve à la page 145 de son optique, édition française in -4°. Newton s'y exprime dans les termes suivants : " Toutes les fois que les rayons de lumière traversent deux milieux de densité différente, de manière que la réfraction de l'un détruise celle de l'autre, et que par conséquent les rayons émergens soient parallèles aux incidents, la lumière sort toujours blanche " ; ce qui est vraiment remarquable, et qui montre qu'on ne doit jamais s'en laisser imposer par l'autorité des grands hommes, c'est que la fausseté de cette expérience que Newton cite, est très-facîle à reconnaître, et qu'il est étonnant que lui, qui avait à un si haut degré le talent de faire des expériences, se soit trompé : car lorsque la lumière sort blanche, ce n'est point lorsque les rayons émergens sont parallèles aux rayons incidents. En effet, par l'expérience que M. Dollond en fit, il trouva que dans un prisme d'eau renfermé entre deux plaques de verre, le tranchant tourné en en-bas, auquel on joint un prisme de verre dont le tranchant est tourné en en-haut ; lorsque les objets vus à - travers ces prismes paraissent à la même hauteur que si on les voyait à la vue simple, ils sont alors teints des couleurs de l'iris ; pendant que lorsque par la position des prismes, on fait cesser ces iris, on ne voit plus ces objets dans le même lieu. Convaincu par-là de la possibilité du projet de M. Euler, il entreprit de le remplir lui-même : cependant, sans entrer dans le détail de toutes ses tentatives, il nous suffira de dire que celles qu'il fit avec des objectifs composés de verre et d'eau, n'eurent aucun succès ; mais qu'il réussit, lorsqu'ayant remarqué que différentes espèces de verre ayant des vertus réfractives différentes, il conçut qu'en les combinant ensemble, on pourrait en obtenir des objectifs composés, qui ne décomposeraient pas la lumière, il s'assura de la vérité de cette conjecture, et de son succès, en construisant des prismes de deux sortes de verres, et en changeant leurs angles jusqu'à ce qu'il en eut deux prismes qui, appliqués l'un contre l'autre, en ordre renversé, produisissent comme le prisme composé d'eau et de verre, une réfraction moyenne et sensible, sans cependant décolorer les objets. Enfin pour abréger, il parvint tellement à vaincre les difficultés que la pratique offrait dans l'exécution de cette théorie, qu'il a fait suivant ces principes, des lunettes d'approche extrêmement supérieures à toutes celles qu'on a faites jusqu'ici ; les personnes qui en ont vues, prétendent que celles de cinq pieds font autant d'effet que les lunettes ordinaires de quinze.

Comme M. Dollond n'a point indiqué la route qu'il a suivie, pour faire le choix de sphères propres à détruire les abérations, et qu'on ne trouve pas même dans son mémoire de ces sortes de résultats, par lesquels on pourrait parvenir à les découvrir, M. Clairaut a jugé que cet objet était digne qu'il s'en occupât. Nous n'entreprendrons point de prévenir ici le public sur ce qu'il a déjà fait à ce sujet, et dont il rendit compte par un mémoire à la rentrée publique de l'académie de la S. Martin de l'année dernière (1760) ; nous dirons seulement que pour porter cette théorie des télescopes dioptriques à la plus grande perfection, il se propose de faire toutes les expériences nécessaires, et de mettre les artistes en état, par la simplicité de ses formules, de pouvoir faire ces télescopes avec la plus grande précision. Au reste nous nous sommes crus obligés d'ajouter ceci (que nous avons tiré du mémoire même de M. Clairaut qu'il a bien voulu nous communiquer), pour ne laisser rien à désirer sur ce qui regarde les télescopes, instruire le public du progrès de l'optique, et surtout montrer par cette histoire combien on doit se défier des propositions générales, et n'abandonner les choses que lorsque des expériences réitérées et incontestables en ont démontré l'impossibilité ; enfin qu'il ne faut jamais regarder la vérité que comme le fruit du temps et de la nature, ainsi que le dit Bacon, et qu'il ne faut regarder les décisions des grands hommes comme infaillibles, que lorsqu'elles sont marquées du sceau de la vérité par des démonstrations sans réplique ou des expériences incontestables. Art. de M. LE ROI.